Sédiments


Cette histoire a été écrite durant l’été 2017 pour une série de dessins de Zeinab Aghamahdi. La série a d’abord été exposée au printemps à la Fondation Heinrich Böll.

Vous avez le choix de lire ci-dessous en premier le texte de l’histoire, pour appeler d’abord votre propre imaginaire visuel, ou bien d’aller lire directement la combinaison texte-dessin dans la publication en ligne de la Fondation. Le texte de la publication en ligne est en anglais.

 

Il y a un secret dans les dessins de Zeinab qui ne se révèle que lorsque la série est exposée… nous cherchons des lieux d’exposition pour vous dévoiler le secret!

 

1/
Les guirlandes brillent par-dessus le soleil.
Chaque objet de l’univers est à sa place.
Ici, c’est chez moi.
Je n’ai pas besoin de chercher
où sont cachés les cheveux des rêves.

 

2/
Mais cet univers est-il vraiment le mien?
Je lève les yeux au ciel.
Je regarde ailleurs.
Je rêve de sauter hors de l’aquarium.
Élargir les rives de l’océan.

 

3/
Où puis-je poser mes bagages dans ce labyrinthe?
Aucun arrondi moelleux.
Tout est à angle droit: tranchant.
Je n’avais pas vu la frontière.

 

4/
Les cheveux des rêves me suivent
comme des nuages de pluie.
J’apprends par cœur le plan
de ma nouvelle géographie humaine.
Pourtant, je sors cette carte étrange à chaque carrefour
pour vérifier que je ne me trompe pas.

 

5/
Les objets de chez moi ont trouvé leur nouvelle place,
nichés dans les alcôves du bien-être.
Je commence à me connaître,
je crois.

 

6/
Mais les cheveux des rêves deviennent fous.
Le miroir ne me reconnaît plus.
Alors je me déshabille.
Je cherche sur mon corps les escargots
qui ont emmené ma maison
où brillaient les guirlandes par-dessus le soleil.

 

7/
J’enquête à la loupe.
J’explore au microscope.
Je ne me reflète que dans les autres.
Je crée au pluriel.
Je brandis mes crayons et mes couleurs.
Je joue avec le monde en pagaille,
mais si bien ordonné aussi.

 

8/
J’accumule les quêtes.
Je me sens tellement plurielle
que je dois me déguiser par-dessus mes déguisements.
Le miroir est devenu un kaléidoscope incompréhensible.
Ne reste que le jaune.

 

9/
Je remplis l’univers de mes objets.
Je recompose l’image, mon image.
Je mixe tous les voyages.
J’ai retrouvé les guirlandes et j’y fais pousser de nouveaux soleils
à l’ombre de mes crayons et de mes couleurs.
Tu viens jouer à la dînette avec moi?

 

10/
La foule ne me prend pas.
Le pays n’est plus natal,
mais fatal.
Je ferme les yeux pour que les regards se taisent.

 

11/
Alors je creuse un océan parmi vous, mes amis,
et je m’y réfugie.
Il est tout petit.
J’y suis un peu à l’étroit pour l’instant.
Mais je vous fais confiance
pour me laisser ma place petit à petit.

 

12/
L’océan m’engloutit tout d’un coup.
J’ai creusé trop profond
et les lames m’ont entraînée plus loin que de raison.
Mes propres mirages flottent à l’horizon.
Les escargots s’éloignent toujours plus avec ma maison.

 

13/
Si je veux me connaître,
si tu veux me connaître,
n’ayons pas peur de mes histoires.
Ce sont elles qui racontent qui je suis.
Ce sont elles qui m’élèvent de plus en plus haut,
couche après couche,
au-dessus de l’océan sans fond.
Raconte-moi tes histoires maintenant.
Grimpe haut avec moi!

 

14/
Je couds mes histoires.
Je les assemble, je les rassemble.
J’en ai mis quelques unes des tiennes aussi.
Ce sera un bel édredon sur le lit,
qui nous tiendra chaud pour rêver ensemble.

 

15/
L’océan n’est plus effrayant.
Plonge avec moi:
les poissons nous chatouilleront les pieds
et nous rirons comme des fous !

 

16/
Et tous les univers se rencontreront grâce à nous.