H-A-B-I-T-E-R


J’habite les mots.

J’habite le mot habiter.

H-A-B-I-T-E-R

Je dors sous la traverse du H, calée confortablement entre les deux barres verticales. C’est une maison un peu biscornue, avec ses deux antennes sur le toit, mais c’est chez moi.

Partie en vadrouille, je trouve à me cacher de la pluie sous la tente d’un A. Bien à l’abri, j’écoute le brouhaha des gouttes d’eau qui se frôlent et se chicanent et foncent le grain du papier et comblent les interstices du blanc.

L’averse passée, je fais du toboggan sur les deux arcs de cercle d’un B. Je rebondis et je saute et je joue à la marelle en lançant quelques ´ ^ et je jongle avec des paires de ¨ ¨ en visite par là.

Je punaise sur le piquet du I les cartes postales envoyées par mes amies voyelles: mât de cocagne visuel des quatre coins du monde, exposition à visiter pour se changer les idées d’ici. Je ramène ce I tout paré pour orner mon H, ma maison d’ici à moi.

Ce soir, je vais boire un verre avec l’amie E. Le serveur pose nos bières sur le rebord du T. E et moi restons debout, car il n’y a plus de tabouret de bar pour s’asseoir autour du T.

E ne veut pas faire trop tard ce soir: elle travaille tôt demain matin et n’aimerait pas devoir demander à R de la ramener sur son dos. Elle déteste les cahots que font les deux jambes du R quand il essaie de crapahuter malgré son pied bot.

Je finis la soirée en lisant un ; il est très joyeux, ce ;

J’éteins la lumière sous mon H en rêvant d’un C croissant de lune.